Depuis longtemps, j'écris des nouvelles. L'univers de la fantasy m'a toujours plu. J'ai donc imaginé une suite de chroniques dont le héros principal est à la fois acteur et témoin des évènements de cet univers. Je voulais retrouver dans ses histoires certains éléments tels que les dragons et les magiciennes. Je ne prétends pas à l'excellence, mais j'ai voulu créer des histoires plaisantes. Ces chroniques ont aussi pour but de donner corps à une histoire complète en apportant des éléments sur l'univers de "La compagnie des dragons".


L'histoire débute par la présentation de Père-Dragon qui raconte à ses enfants ses aventures en tant que soldat de la Compagnie des dragons.

Chronique IV: Un Remède Souverain

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Une bougie brûlait doucement, éclairant avec parcimonie la pièce où se trouvait le jeune Wiy. Assis à une table, celui-ci se tenait la tête entre les mains, fixant les pages d'un livre à la couverture épaisse. La porte s'entrouvrit silencieusement, mais Wiy ne détourna pas la tête, concentrée sur sa lecture. Le visage de Morgy passa discrètement par l'entrebâillement, puis se retira aussi subrepticement. Il ferma aussitôt la porte.
- Alors ? Chuchota Père-dragon
- C'est toujours pareil. Il n'a pas bougé. Répondit Morgy.
- Bon, il est temps que je prenne les choses en main sinon ton frère sera encore là dans trois lunes.
Morgy, interloqué, regarda Père-dragon ouvrir la porte. Wiy leva un regard aussi surpris vers les nouveaux arrivants.
- Wiy, il faut qu'on parle. Lui dit Père-dragon
- Mais… Rétorqua Wiy.
- Il n'y a pas de Mais. Il est évident que tu ne réussiras certainement pas de la façon dont tu t'y prends. Laisse-moi plutôt te raconter une histoire.
- Mais, le professeur va m'interroger demain en cours de Géographie et je ne connais pas la moitié de la carte du territoire des dragons. Ça ne veut pas rentrer. Gémit Wiy.
- Justement sache que Westamy, le dernier des dragons-rois avait le même problème et voilà quel remède son professeur trouva.
Morgy s'était assis à la table également et, les mains sous son menton, s'apprêtait à écouter l'histoire avec son frère. Père-dragon s'éclaircit la voix et commença.








" Louy, Le Dragon-roi et Dommy, le professeur de Westamy marchaient, côte à côte, dans le jardin du palais. L'immense donjon d'Orakazai surplombait la scène. Ils allaient vers les cascades qui continuaient le parcours du ruisseau. Tout autour d'eux respirait la tranquillité. Même la pelouse épaisse atténuait le bruit de leurs pas. Ils s'arrêtèrent à l'ombre d'un chêne. Le dragon-roi fixait pensivement l'eau qui s'écoulait dans le lit sablonneux.
" -Ce que vous me dîtes m'afflige profondément, professeur. "
" -C'est pourtant la vérité. Westamy est hermétique à toutes connaissances géographiques et historiques. Par exemple, il ne connaît pas les régions du royaume. Il ne s'intéresse qu'à l'entraînement, aux combats et aux vols. Il faut vous rendre à l'évidence, majesté : Westamy, prince héritier du royaume des Dragons, est plus féru de quêtes que d'études. "
Le Dragon-roi secoua la tête, puis regarda le professeur de son fils.
" -Alors que me conseillez-vous ? "
" -Tout simplement de lui donner ce qu'il souhaite. "

Louy leva un sourcil pour marquer son étonnement.
" -Faites-moi confiance, Majesté. Westamy rêve de quêtes et d'aventures. Alors, nous allons lui en donner. "
Dommy, son professeur baissa alors la voix pour que seul le Dragon-roi puisse entendre le plan qu'il avait élaboré. Louy sourit au stratagème mis en place par Dommy pour que Westamy acquièrent les connaissances nécessaires à son futur règne. La grande scène pouvait commencer. Louy, le père, y jouait un rôle prépondérant.

Westamy avait été appelé en pleine séance de duels. Il savait bien pourquoi. Dommy l'avait déjà tancé la veille pour ses faibles résultats. Il allait avoir droit au sermon paternel. Un serviteur le fit patienter devant les appartements du roi. Il réfléchissait à la façon la plus sûre pour s'accorder les bonnes grâces du roi. Il lui suffirait de lui raconter ses prouesses dans les duels et de lui promettre de s'attacher à obtenir de meilleurs résultats aux prochains examens. Un serviteur s'approcha de lui pour l'inviter à entrer. La pièce était plongée dans l'obscurité. Un garde amena une lampe pour éclairer la chambre. Le dragon-roi était alité. D'une voix faible, il lui dit :
" - Approches, mon fils. "
Westamy s'exécuta aussitôt. Il prit place près du lit du dragon-roi. Celui-ci lui fit signe de venir près de lui. Il parlait à voix basse, obligeant Westamy à tendre l'oreille.
" - Westamy, je ne vais pas très bien. Je suis très fatigué. Les mages m'ont prescrit du repos. Il ne faut en aucun cas que nos ennemis sachent que je suis en mauvaise santé. Les Khyens pourraient en profiter pour nous attaquer. " Louy toussa. Il leva une main quand Westamy voulut l'aider et continua
" - Je viens de charger Dommy d'aller consulter les mages. "
" - Si je peux vous aider, Père, demandez-moi tout ce que vous voudrez. "
La porte s'ouvrit doucement. Et Dommy apparut, l'air soucieux.
" - De mauvaises nouvelles, Dommy ? " S'enquit d'une voix faible le dragon-roi.
" - Pas fameuses en effet. Les mages m'ont délivré leurs messages. Seule une potion peut venir à bout de votre maladie. Ils m'ont donné la liste des ingrédients. Mais je dois partir sur-le-champ pour les trouver le plus rapidement possible. Donnez-moi un ou deux gardes. Je serais rapidement de retour. Dans quatre jours tout au plus. "
Westamy se leva aussitôt.
" - Laissez-moi l'accompagner, Père. Je serais plus discret qu'un de nos gardes. "
" - Qu'il en soit ainsi mon fils ! Tu accompagneras Dommy. Mais reviens vite. Je sens mes forces déclinées. "
Westamy salua son père et sortit sur les pas de Dommy. Celui-ci lui expliqua que la maladie dont souffrait son père n'était pas mortelle, mais le fatiguait énormément. Il fallait trouver les ingrédients au plus vite.
" - Alors, voilà. J'ai tout noté sur ce bout de manuscrit. Il nous faut trouver l'amarticus, une algue qu'y se trouve uniquement sur la côte Ouest de la région de Cellis, une rose du désert de Robbia, une émylfia de la forêt d'Anjoni, de l'eau de la source du fleuve Brinia, des baies magiques de la forêt de Jemozai. Vas, Maintenant. Il faut te préparer. Nous partons sur l'heure. "

Westamy eut tout juste le temps de réunir quelques affaires avant le départ. Sous leurs formes de dragons, ils partirent vers les montagnes de Brines. Pour trouver la source, il leur suffisait de suivre du ciel l'immense serpent bleu et argenté qui s'étirait entre les champs et les vallées du territoire des dragons. Pour Westamy, c'était une première mission bien plaisante. Le soleil brillait haut dans le ciel. Leurs ailes lourdes et amples battaient lentement dans l'air doux de ce début de printemps. Si leur mission n'avait été de la plus haute importance, il se serait bien arrêté pour conter fleurette aux jeunes dragonnes qu'il voyait s'activer aux champs.

Montagnes de Brines - Fin du premier jour

La fin de la journée arrivant, l'air plus vivifiant gelait en partie leurs ailes et ralentissait leur allure. Ils s'arrêtèrent dans une auberge accueillante : Ils devaient se reposer un peu avant d'attaquer la dernière partie du trajet qui les mènerait à la source. A peine installé à une table, Westamy entama un repas copieux. Dommy, plus réservé, se contenta d'un peu de pain et de fruits frais, inquiet à l'idée de l'épreuve qui attendait son jeune protégé.
A une table, un peu à l'écart, un homme les observait, sa capuche rabattue sur sa tête. Pourtant, il ne faisait pas froid. Au contraire, un feu chatoyant brûlait dans l'antique cheminé. ll projetait ses couleurs chaleureuses sur les tables sculptées par un artisan d'Avenai, une localité situé plus au sud. L'ambiance était chaleureuse, entrecoupée de rires et d'appels sympathiques qui offrait un tableau contrastant avec l'individu taciturne, isolé dans un coin sombre de la pièce. Westamy profitait pleinement de la soirée. Alors qu'un musicien entamait une gigue d'enfer avec son violon, l'inconnu se leva soudainement. Dommy suivit du regard l'homme qui quittait la vaste salle chaude de l'auberge alors que Westamy battait la mesure sur le rythme entraînant de la musique.
Le réveil fut difficile pour Westamy qui avait abusé des liqueurs avant de monter se coucher. Dommyouvrit en grand les rideaux, laissant le soleil rentré à flot dans la chambre. Le prince enfouit sa tête sous les couvertures. Ce fut peine perdue. Dommy lui rappela leur mission. Ils devaient se rendre rapidement à la source.

L'air était frais lorsqu'ils s'envolèrent vers le berceau du fleuve Brinia. En quelques battements d'ailes, ils atteignirent la montagne qui abritait la source. Dommy lui fit signe de se poser sur une corniche étroite. A peine arrivés, ils reprirent leurs apparences humaines.
" - Où est la source ? " S'enquit Westamy.
Dommy lui indiqua une faille dans le flanc de la montagne.
" - Ici ! Mais nous ne passerons pas tous les deux. En tout cas, je suis un peu trop enveloppé pour y arriver. " Dommy tata son ventre un peu rond.
" - Ce n'est pas grave. J'irai seul. " Répondit Westamy en examinant le passage étroit.
" - Passez-moi la fiole. J'y vais tout de suite. Attendez-moi là. Je n'en ai pas pour longtemps. "
Sur ces mots, il disparut par la trouée. Dommy s'installa confortablement contre la montagne, souriant à la témérité de son élève.
Le prince avançait avec circonspection dans l'étroit boyau. Il cheminait courbé quand soudain le passage s'élargit. Il se releva avec contentement. Il continua son chemin jusqu'à une immense salle dont le centre était occupé par un bassin de pierre sculpté. Il s'engagea d'un bon pas vers la source, sa fiole à la main. Mais brusquement un homme s'interposa. C'était l'inconnu de l'auberge. L'homme leva sa main.
" - On ne passe pas. "
Westamy, surpris, esquissa un pas en arrière.
" - Qui êtes-vous ? "
" - Je suis le gardien de la source. Personne ne peut s'en approcher. " Lui répondit l'inconnu.
" - J'ai juste besoin de remplir cette fiole que vous voyez dans ma main. Mon père est malade. Et cette eau est nécessaire à la potion qui le guérira. "
" - Cela est impossible. Personne ne prend l'eau de la source. Je suis le gardien. Personne ne s'en approche. "
" - C'est ce que l'on va voir. "
Et sur ces mots, Westamy sortit son épée et l'abattit sur le gardien. Et à sa grande surprise, l'épée traversa son corps comme s'il avait transpercé du brouillard.

Westamy comprit aussitôt le parti qu'il pouvait tirer de la situation. Il avança sans un regard pour le fantôme. Immédiatement, il sentit un océan d'angoisse le saisir tel une vague engloutissant toute vie. Il s'arrêta haletant à quelques pas de la source. Il adressa une prière aux dieux, marmonnant entre ses dents. Et la douleur reflua. Mais dès qu'il fit mine d'avancer, le sentiment d'angoisse le saisit à nouveau. C'était une véritable muraille que le fantôme avait dressée devant lui. Comment échapper à l'emprise du gardien ?
Westamy s'était rejeté en arrière pour reprendre ses esprits. Le spectre était de nouveau devant lui. Soudain une idée germa dans l'esprit de Westamy. Une idée lumineuse mais dangereuse. Pour accéder à la source, il devait réussir à créer une barrière mentale. Et cela serait possible uniquement sous sa forme de dragon. Mais le pari était risqué et la grotte où il se trouvait peu vaste pour une telle expérience. Oui. Juste une minute le temps d'atteindre le cercle de pierre où jaillissait l'eau pure. Il regarda attentivement la grotte autour de lui pour vérifier ses dimensions. Et, alors que le fantôme immobile lui barrait la route, il se releva et d'un bond en avant changea son apparence en celle du dragon blanc. Westamy apparut tel le descendant des dragons-rois : une tête imposante, un long cou et des ailes immenses. La mâchoire du dragon s'ouvrit découvrant des dents longues et coupantes comme des lames de rasoir. Sa masse engloba aussitôt celle du spectre. Il atteignit la source en deux pas. Il se transforma aussi subitement en humain. Il ouvrit la fiole et la plongea dans l'eau. Le gardien le regardait, éberlué devant un tel spectacle.
Westamy rejoignit aussitôt son professeur. Celui-ci, souriant à la vue de la fiole remplie, le congratula. Puis, ils s'envolèrent aussitôt vers leur prochaine étape: la Forêt d'Anjoni.

Forêt d'ANJONI - Fin du deuxième jour

Les dernières montagnes de Brines disparurent pour laisser place à une étendue couverte d'arbres : la forêt d'Anjoni. D'abord clairsemée, la forêt devenait de plus en plus dense, à peine ouverte sur quelques clairières. Quelques roches sédimentaires de couleur ocre se levaient de temps en temps au-dessus de la frondaison des arbres. Le trajet ne fut pas très long.
" - A peine une demi-journée. " Constata Westamy.
Les traces de l'ensorcellement dont il avait été victime, avait complètement disparu. Et c'est sereinement qu'il posa un pied à l'orée de la forêt.
" - On ne trouve pas l'Emylfia comme ça. " Dommy fit le geste de claquer des doigts. "- Il faut faire appel à ses ressources personnels. N'oublie pas que cette pierre est le résultat des sorts lançés lors de la terrible bataille de Jaffat.Ces résidus magiques sont tombés dans la forêt et se sont cristallisés sous forme de pierre. Il ne s'agit en aucun cas d'un vulgaire caillou. "
" - Si je ne peux en trouver en cherchant par terre, comment dois-je faire ? "
" - D'abord nous allons construire une sorte de petite hutte. Dedans nous creuserons un trou et poserons des roches chauffées. Puis tu entreras seul une fois que tu te seras déshabillé. Tu te mettras en position de méditation tel que tu l'as appris lors de ton initiation. Puis tu aspergeras d'eau le foyer tout en mastiquant des herbes que j'ai apportées. Faisons vite avant que la nuit tombe. "
Westamy coupa quelques branches solides avec son épée, puis les réunis avec un peu de ficelle, formant l'ossature d'une hutte. Dommy avait réuni des branchages qu'ils disposèrent tout autour de l'assemblage de branches. A l'écart, il avait également allumé un feu où il avait réuni des roches trouvées tout autour de la clairière. La lumière commençait à décroître quand Westamy se déshabilla avant de pénétrer dans la hutte. Dommy avait disposé à l'intérieur les pierres. Il tendit à son apprenti une poignée d'herbes. Puis il s'écarta un peu, s'assit sur une vieille souche d'arbres, enveloppé dans une couverture épaisse pour une longue attente. Une fois dans la hutte, Westamy s'assit en tailleur devant les pierres. La chaleur était intense. Il regarda sa main qui contenait les herbes à peine éclairée par la lumière rougeoyante du foyer. Puis il les mit dans sa bouche et couvrit d'eau les pierres. Une fumée épaisse se dégagea.

Son visage était couvert de sueur. Et bientôt son esprit se mit à tanguer. Des visions étranges le saisirent. Il se sentait happé par d'autres consciences. Il forma au cœur de son esprit la vision de la pierre. L'Emylfia apparut soudain devant lui. Mais la pierre n'était pas seule. Elle reposait aux mains d'un homme ou tout au moins de son esprit. La peur gagna Westamy. Mais la forme devant lui leva les mains en signe d'apaisement. Le jeune prince essaya de reprendre une respiration normale. Il n'avait aucune raison de croire que cet esprit lui voulait du mal.
" - Qui êtes-vous ? "
" - Je suis un esprit comme il en existe beaucoup dans la forêt d'Anjoni. Nous sommes des âmes qui n'ont pu rejoindre le royaume des morts. Nous sommes à l'affût de toutes traces de magie qui nous aideraient à gagner une autre dimension. "
" - Qu'as-tu fait de mal pour te retrouver ici ? "
" - Tous les esprits ne sont pas malfaisants. Pour ma part, je suis ici car j'aimais ma femme au point de préférer une vie d'errance. "
" - Comment cela est-il possible ? "
" - Quand je suis mort, au lieu de prendre la direction du royaume des morts, je suis resté auprès ma compagne. Il m'était impossible de vivre sans elle. Malheureusement pour moi, elle mourut de chagrin quelques semaines plus tard. Et à son tour fut emmener dans le royaume des morts. Et moi je fus projeté ici, séparé à jamais de ma tendre épouse. "
" - Je ne vois pas comment je pourrais t'arracher à ton triste sort. "
" - Tu le peux. Tu tiens dans la main une Emylfia. Si tu la pointes vers le ciel, je pourrais utiliser sa force magique pour rejoindre celle qui m'est si chère. "
" - Comment dois-je faire ? "
" - En fait, il te suffit de la tenir entre tes deux mains, et son contenu magique se réveillera. Mais je préfère t'avertir, cela peut-être douloureux. "
" - Je te suis gré de ton honnêteté. Mais la souffrance ne me fait pas peur. "
" - Alors je place en toi ma confiance entière. Et je te remercie infiniment pour ton aide. "
Westamy saisit la pierre entre ses deux mains. Il sentit une douce chaleur se dégager de l'Emylfia. Puis soudain un rayon de lumière partit vers le ciel, détruisant au passage le toit de la hutte primitive. Immédiatement, l'esprit emprunta le faisceau lumineux qui s'élançait vers le ciel. Westamy continuait à tenir fermement la pierre malgré la puissance qui s'en dégageait. Ses doigts commencèrent à trembler, puis ce fut le tour de sa main d'être pris de convulsions. Mais le flux de lumière s'arrêta brusquement. Epuisé, il mit un genou à terre. Retrouvant sa respiration avec difficulté, il entendit distinctement, porté par le vent de la nuit, des centaines de voix. Et à travers ses larmes de douleurs, il sourit. Car les esprits d'Anjoni le remerciaient. Dommy se précipita vers les ruines de la hutte pour aider son élève. Celui-ci lui tendit alors la pierre. Il était sorti victorieux de cette seconde épreuve. Dommy sourit à son tour. Ils allaient reprendre la route vers la région de Cellis.

Région de Cellis - Début du troisième jour

L'aube se levait lorsque Dommy héla Westamy. D'un signe de tête, il l'invita à le suivre sur sa gauche. En prenant un léger virage, le prince découvrit la falaise. La Mer. Enfin. Il se sentait fatigué. Son professeur lui fit signe de descendre. Sur la falaise, il distinguait les ruines d'une ancienne fortification. Une sorte de fer à cheval dont les vestiges du château s'adossaient à la mer, au-dessus des vagues tumultueuses. L'herbe avait recouvert le sol bien que la roche affleurait dans quelques endroits. Il pouvait deviner encore une double fortification. Une fois sur la terre ferme, il se transforma, reprenant apparence humaine. Mais déjà Dommy avait réuni quelques branches et essayait d'allumer un feu. Hier soir, ils étaient partis aussitôt de la forêt d'Anjoni, en pleine nuit, et avait parcouru la distance qui les séparait de la mer et de la région de Cellis. Westamy tenait à peine debout. Il avait faim et était fatigué. Dommy sortit du pain de sa besace et en tendit un bon morceau au prince assis près du feu. Pendant qu'il l'avalait, Dommy fit bouillir un peu d'eau, versa quelques pierres minuscules dans une tasse et infusa avec l'eau chaude. Il la tendit à Westamy qui le but d'une traite. Le prince se coucha contre le mur et s'endormit.
Westamy ouvrit un œil, réveillé par les cris de mouettes qui tournoyaient autour des ruines. Il leva la tête vers le ciel se demandant ce qu'il faisait et pourquoi sa royale couche s'était transformé e une paillasse d'herbe et de mousse. Puis tout lui revint à l'esprit. Le soleil était haut dans le ciel. Il se leva, s'étira et chercha son professeur du regard. Celui-ci semblait observer quelque chose du bord de la falaise. Le prince s'approcha pour en faire de même.
" - Que regardez-vous ? "
" - J'essaie de trouver les sirènes ? "
" - Les sirènes ? " L'interpella Westamy, stupéfait. Il regardait Dommy commençant à douter de sa santé mentale.
" - Et oui, il le faut, car elles seules peuvent nous procurer l'amarticus. "
" - Et où allons-nous trouver ces sirènes ? "
" - Là-bas. "
Westamy suivit du regard le doigt pointé de son professeur. Il désignait la plage en contrebas de la falaise où ils se trouvaient. La folie continuait. Maintenant des sirènes. Il retint son souffle prêt à se transformer en dragon. Mais Dommy posa une main sur son bras.
" - C'est à éviter avec elles. Elles n'apprécient pas les arrivées un peu trop spectaculaires. Elles risqueraient de s'enfuir. Mieux vaut prendre le petit sentier que l'on aperçoit d'ici. " Immédiatement, ils empruntèrent le chemin désigné par Dommy.

Les sirènes étaient là.
" -Mais que font-elles ? "
" - Elles prennent des bains de sable. "
En effet, au milieu des rochers, dans des creux formés par l'érosion des marées, le sable s'était niché. Et dans ces excavations naturelles, le corps des sirènes se laissaient aller au soleil : leur peau mi-humaine mi-poisson se laissait caresser par l'astre éclatant. Mais leurs yeux mi-clos suivaient l'arrivée des deux dragons sur leurs plages.
Ils s'approchèrent doucement. Et ce que vit Westamy était la plus jolie chose qu'il n'ait jamais vu. Aussi incroyable que cela puisse être, le corps de la jeune femme se terminait par une queue de poisson effilée et dont les multiples écailles brillaient au soleil.
Leurs voix s'élevèrent : Un chant d'une beauté inoubliable. Ils étaient hypnotisés, incapable de s'arracher à une si merveilleuse mélodie. Leurs âmes se détachaient de leurs corps. C'était l'étrange sensation qui les submergeait. Soudain, les voix se turent. Puis une voix cristalline s'éleva :
" - Que veux-tu étranger ? "
Westamy comprit que la sirène s'adressait à lui, et à lui seul. Dommy baignait dans une béatitude silencieuse. Quant à lui, il émergeait de la douce torpeur où elles l'avaient plongé, en secouant la tête. L'une des sirènes, d'un joli mouvement de nageoire, lui envoya quelques gouttes d'eau qui finirent de le réveiller.
Westamy lui expliqua en quelques mots leur quête.
" - Nous avons besoin d'une algue appelée l'amarticus. Seules vous pouvez nous la procurer. "
Les sirènes échangèrent un regard. Puis celle qui semblait être le chef l'interpella.
" - Si tu veux cette algue, il te faudra accomplir une mission. "
Westamy se tourna vers son professeur en lui disant à voix basse.
" - Encore !!! "
La sirène, impassible, reprit la parole.
" - Un pêcheur de ce village a volé une de nos perles noires. Elle trône maintenant sur une pierre dressée en haut de cette falaise inaccessible pour nous. " Elle désigna à Westamy la falaise qui dominait la plage.
" - Ramènes-nous cette perle et nous te donnerons l'algue pour ta potion. "
Westamy, sans perdre de temps, reprit sa forme de dragon et s'éleva majestueux au-dessus des sirènes. Il atteignit sans trop d'effort la falaise. D'un coup d'aile, il amorça une ronde au-dessus de la surface, puis se posa une fois qu'il eut repéré la pierre dressée. En fait, il s'agissait d'un cercle de pierres dressées. Elles ornaient le centre d'une étendue herbeuse. Tout autour, des ajoncs d'un jaune éclatant ceinturaient le sanctuaire. Leurs parfums entêtant cernaient le visiteur et s'élevaient sur un sol chauffé par le soleil. Au centre une pierre plate imposait sa présence. C'était un autel. Westamy resta hébété devant l'autel. La perle noire était posée sur la pierre plate en offrande à ses dieux. Comment allait-il faire ? Cette fois-ci, il n'y avait pas de fantôme pour l'empêcher de passer, mais sa conscience faisait barrage. Devait-il reprendre une offrande faite à leurs dieux ? Mais de cette perle dépendait la réussite de sa mission. Quel dilemme ! Son respect envers ses dieux était immense. Il s'agenouilla face à l'offrande. Il récita une prière pour demander aux dieux leur aide.

" - O Dieux,
J'implore votre soutien
Bien au-delà des cieux
Pour guérir mon père
Et m'aider dans ma quête. "

Le silence s'abattit autour de lui. Les minutes s'égrenaient lentement. Dommy, sur la plage, se demandait ce qui se passait. Rien. Il ne se passait rien. Les dieux l'avaient abandonné. Il baissa la tête. Le vent se leva brusquement. Une bourrasque souleva et coucha les herbes autour de Westamy. Et soudain la perle bougea et se dirigea vers lui. Elle roula à ces pieds. Il la saisit et remercia ses protecteurs. Aussitôt il s'avança vers le bord de la falaise et leva sa main vers les sirènes. Entre le pouce et l'index, il tenait la perle noire. Les sirènes, à ce signal, plongèrent dans les vagues. Westamy rejoignit Dommy qui les observait nageant vers le large. Elles revinrent quelques minutes plus tard. L'échange se fit aussitôt. Les sirènes se remirent à chanter en tenant précieusement leur perle noire. Mais soudain des voix s'élevèrent au-dessus de la falaise. Un groupe d'hommes s'était rassemblé autour des pierres dressées et venaient de découvrir la disparition de la perle. Les sirènes reprirent le chemin des Flots. Dommy secoua la manche de Westamy. Et ils s'envolèrent en direction de la forêt de Jemozai, longeant la falaise pour ne pas être vu de l'attroupement.

Forêt de Jemozai - Milieu du troisième jour

La forêt de Jemozai s'étendait devant eux, murailles d'arbres impénétrables. Seule une rivière coupait d'un bandeau bleu cette forteresse. Dernier refuge des elfes, ils ne pouvaient dans cette forêt sous pouvoir elfique, prendre l'apparence de dragons. Arrivés à la lisière, ils avaient repris leur apparence humaine avant de monter dans une barque. La rivière traversait la forêt. D'immenses arbres se reflétaient dans l'eau. Leur barque filait en douceur et sans bruit dans les méandres de la rivière. Leur passage troublant à peine le reflet de ces hôtes gigantesques. Des nuages s'amoncelèrent au-dessus d'eux. La pluie crépita autour de leur embarcation. L'ondée ne dura pas. Un rayon de soleil heurta l'eau verte de la rivière. Des reflets scintillèrent sur la surface moirée. Dommy goûtait à la plénitude de l'instant. Immobile, il admirait le miroitement de l'eau. A cet instant, ne lui parvenait que les bruits de la forêt : Chant des oiseaux, bruits des insectes… A la proue de l'embarcation, Westamy écoutait lui-aussi les bruits qui l'entouraient. Mais son attitude était tout autre. Au contraire de Dommy, il semblait aux aguets. La main sur la garde de l'épée, il scrutait les berges. La navigation devint moins aisé. La rivière se rétrécissait de plus en plus, ralentissant la barque. Des courants contraires se jouaient d'eux les entraînant parfois vers des rapides. Westamy et son professeur s'accrochèrent aux bords pour éviter de chuter. L'eau giclait de plus en plus autour d'eux. Leurs capes pourtant épaisses étaient trempés. Puis, soudain, le calme plat. La barque avait atteint un plan d'eau plus paisible.
Un flot de lumière s'abattit sur eux. Tout ce qui les entourait disparut à leurs regards. Un silence épais les entoura. Westamy hésita, regarda son professeur, puis parla :
" - Que nous voulez-vous ? "
Une voix étrange et mélodieuse leur répondit :
" - C'est vous qui êtes venus jusqu'à nous ? "
" - Mon père est gravement malade. Je dois rapporter des baies magiques de votre forêt pour le soigner. J'accepterai n'importe quelle épreuve… "
La voix le coupa :
" - Il n'y aura pas d'épreuve, Westamy. Juste un message. Ecoutes le bien. "
" - Comment connaissez-vous mon nom ? … "
Mais déjà plusieurs voix se mêlèrent pour délivrer le message :

" Dans les temps à venir
Au milieu des ombres
Une plainte t'appellera
Vas-tu venir ?
Vas-tu t'abstenir ?
Ta décision scellera à jamais le devenir
Du peuple des dragons. "

Les voix s'éteignirent aussi soudainement que la lumière vive qui les entourait, laissant Westamy et son professeur interloqué. La barque se retourna d'elle-même, comme obéissant à un ordre silencieux. Sans l'aide des deux dragons, elle reprit sa navigation au milieu de la rivière. Westamy, sonné, s'assit se tenant la tête entre les deux mains.
" - Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? "
Dommy le regarda, puis laissant sa main filée dans l'eau de la rivière, lui répondit.
" - Maintenant, profitons de la fraîcheur de l'eau, car nous partons pour le désert de ROBBIA. "

Désert de Robbia - Fin du troisième jour

" - Où sont les fleurs ? "
" - Patience, jeune prince, elles seront bientôt là. "
" - Vous vous fichez de moi. Je ne vois que du sable à perte de vue. "
" - Il faut avoir confiance. La nature est bien connue pour ses petits miracles. "
Dommy s'était installé dans le renfoncement d'une roche, allongé sur le sable. Enveloppé dans sa couverture, Westamy, perplexe, pris place devant le feu.
" - Mais… "
" - Dors bien. Bientôt viendra l'aube et nous avons une longue journée de voyage pour le retour à Orakazai.
Westamy, médusé, regarda Dommy fermer les yeux. Un ronflement sonore se fit entendre dans les secondes qui suivirent.
Westamy, perturbé par la prophétie des elfes, eut un sommeil agité, dont Dommy le tira en lui secouant la manche.
" - Maintenant, Westamy, Maintenant. "
Le jeune prince, tout son sommeil, se demandait ce qu'il y avait de si urgent pour l'empêcher de dormir. Dommy insistait. Rien n'y faisait. Tout à coup, un peu d'eau aspergea le dormeur. Westamy s'assit sur son céans aussitôt.
" - Ah! Enfin, tu te réveilles. Les roses ne vont pas nous attendre. "
Il faisait un peu froid. Westamy se leva et s'enroula dans sa couverture. Il faisait encore nuit. Une légère ligne rose sur l'horizon indiquait que l'aube pointait. Westamy suivit en maugréant Dommy.
" - Là. " Dommy lui indiquait un endroit bien précis sur la dune.
" - Du coté exposé au soleil levant. "
Westamy ne comprenait rien aux ordres de son professeur, mais obtempérait. Il se plaça donc à l'endroit désigné, puis attendit. Dommy, silencieux, guettait patiemment, regardant de temps en temps la ligne d'horizon.
" - Que suis-je sensé faire ? "
" - Westamy, enfin, n'écoutes-tu jamais ce que je t'enseigne. "
Devant le silence gêné de son élève, il poursuivit.
" - Les roses de désert ne sortent de leurs abris qu'aux premières lueurs du jour. Mais dès que la température devient trop importante, elles retournent dans le sable. Il faut donc être rapide car la chaleur s'abat pratiquement aussitôt le soleil levé. Donc tiens-toi prêt "
Et à ces mots, les premiers rayons de soleil se levèrent devant eux. La dune au sable si lisse sembla prendre vie. Le sol se mit à trembler légèrement. Et soudain devant leurs yeux apparurent les premières roses. Des couleurs chatoyantes paraient la dune. Westamy saisissant une rose, la coupa juste à temps avant qu'elle ne s'enfonce à nouveau. Sa main fut lacérée par les épines. Il se tourna et en cueillit une autre, prenant soin d'utiliser sa cape comme un gant. Mais déjà les collines de sable s'enflammaient de couleur vive au soleil : Le rouge et l'orange dominaient. La chaleur s'abattit sur eux alors que le jour se levait à peine. Les roses disparurent. Tenant ses deux roses, Westamy se retourna vers Dommy, très fier de son résultat. Mais il ne le vit pas, car son professeur disparaissait derrière un bouquet splendide.
Cependant, le paysage accentuait la température déjà élevée. Il ne fallait pas traîner à cet endroit. Enveloppant les fleurs dans un linge léger, Dommy s'adressa à Westamy.
" - Nous retournons à Orakazai. "
Le prince opina, et d'une seule inspiration, se changea en dragon.

Plaine d'Aven - Début du quatrième jour

Westamy et son professeur volaient au-dessus des dunes quand soudain, succédant au sable fin, une plaine à l'herbe courte et roussie s'étira sous leurs yeux. Un grand arbre, soldat immobile, semblait monter la garde à la lisière du désert et lançait ses branches couvertes de feuilles à l'assaut du ciel. Cette toute nouvelle végétation annonçait la plaine d'AVEN et surtout la fin du désert de Robbia. A l'horizon, ils apercevaient les premières montagnes. Ils prirent immédiatement la direction d'Orakazai.

Orakazai - Milieu du quatrième jour

Le dragon-roi, assis sous un chêne, semblait se reposer. Il somnolait même. Westamy eut le cœur serré quand il le vit ainsi. Dommy, sans une hésitation, s'avança vers lui. Il le réveilla sans ménagement.
" - Sire, notre mission est accomplie. "
" - En totalité, professeur ? "
" - En totalité, sire, en totalité. "
Dommy cligna de l'œil. Le dragon-roi s'approcha et à voix basse lui demanda.
" - C'est-à-dire ? "
" - De l'Est à l'Ouest. Du Nord au Sud. "
Puis se tournant vers Westamy, le dragon-roi lui saisit la main.
" - Excellent, mon fils. Grâce à toi, je recouvrerai bientôt la totalité de mes forces. "
Westamy, l'air soupçonneux devant les regards échangés par son maître et son père, répliqua :
" - Père, vous semblez d'ores et déjà avoir repris des forces. "
Dommy et le Dragon-roi échangèrent un regard gêné. Soudain accablé de fatigue, Louy s'assit sur le banc qu'il venait de quitter.
" - Pendant que vous n'étiez pas là, les magiciens m'ont fait avaler quantité de postions. Tu les connais. Toutes avaient un goût désagréable et leurs effets sont temporaires. J'ai prié pour que les dieux te viennent en aide, mon fils…"
Dommy, souhaitant également changer de conversation, intervint.
" - Mais laissez-nous, sire, vous raconter notre périple aux quatre coins du territoire des dragons. Westamy, racontes donc notre quête. "
WESTAMY s'assit sur le même banc que son père, sensible à l'intérêt qu'ils portaient à son histoire.
" - C'est une longue histoire. Il y a le gardien de la source, le désert, les elfes et leur prophétie… "
" - Quelle Prophétie, mon fils ? " (…)
Louy se pencha vers son fils pour mieux entendre. Dommy, profitant de leur inattention, s'éclipsa. Après tout, il méritait bien un peu de repos après une telle expédition. "

La bougie finissait de se consumer lorsque Père-dragon termina son histoire. Les yeux de Morgy luttaient pour rester ouvert. Wiy, la tête remplit des aventures de Westamy et Dommy, remercia Père-dragon, puis se leva pour aller se coucher. Un court sommeil l'attendait avant d'affronter les questions de son professeur le lendemain matin. Père-dragon souleva Morgy qui s'était finalement endormi, vaincu par la fatigue. Le portant dans ses bras, il souffla la bougie et passa la porte.